Accueil » AnnĂ©es 1991 Ă  1998 » Enseignement » RĂ©flexions » Notes Ă  propos de l’article de Thurston: « On Proof and Progress in mathĂ©matics » 1995

Notes à propos de l’article de Thurston: « On Proof and Progress in mathématics » 1995

Vendredi 4 novembre 2011   

Résumé :

Il s’agit d’une collection de notes de lecture personnelles.

A. JAFFE et F. QUINN avaient dénoncé les dérives des pratiques des mathématiciens par rapport aux règles DTP classiques : Définitions, théorème, preuve. Ils arguaient que ces pratiques peu orthodoxes contrariaient la progression des recherches. En 1994, William P. THURSTON leur répond. Il oppose à leur vision classique, mais fausse, de l’activité des mathématiciens une description sincère et réaliste des interactions sociales dont, dit-il, a dépendu son activité de mathématicien. Ce texte m’a paru d’une importance capitale pour faire progresser la didactique et l’épistémologie des mathématiques. Ces notes tentent de dire pourquoi. Une, parmi les importantes remarques de Thurston, signale l’importance des interactions entre les mathématiciens.

Il montre que le dĂ©veloppement des mathĂ©matiques, contrairement aux dĂ©monstrations, n’obĂ©issent pas Ă  des règles connues ; que la comprĂ©hension mathĂ©matique ne se communique pas par le seul intermĂ©diaire du formalisme et que les progrès ne sont pas le fait uniquement du dĂ©veloppement « logique » des savoirs dĂ©jĂ  constituĂ©s. Cette partie incontournable de l’activitĂ© mathĂ©matique est en bonne partie menĂ©e par ou grâce Ă  « l’environnement social » des mathĂ©maticiens » et finalement par toute la communautĂ©, enseignement compris.

Ce tĂ©moignage, qui, sur de nombreux points, s’oppose aux clichĂ©s qui soutiennent les conceptions classiques du fonctionnement des mathĂ©matiques, intĂ©resse directement les mathĂ©maticiens-didacticiens et les Ă©pistĂ©mologues. Il montre avec clairvoyance et sagacitĂ© divers phĂ©nomènes de didactique et de macro didactique.

Mots clés : Macro didactique, fondements, pratique des mathématiques

Titre de l’article : Notes Ă  propos de l’article de Thurston: « On Proof and Progress in mathĂ©matics »

Auteur et laboratoire à l’époque de la publication :

Guy Brousseau

LADIST Université Bordeaux 1
Langue du texte : Français
Date de production : 1994

Nombre de pages : 8
Nature du texte :
notes de travail pour une conférence

Diffusion : non publié


Commentaires :

Le texte  fait partie du dossier n° 9 : « Phénomènes macro-didactiques ».

La didactique des mathématiques telle que je la conçois, adresse ses résultats en premier lieu aux mathématiciens, à la communauté des mathématiciens. Non seulement parce que ces résultats appartiennent aux sciences mathématiques (avec l’histoire et l’épistémologie des mathématiques, la logique mathématiques, etc.), mais aussi parce qu’ils aident cette communauté à exercer une partie essentielle de sa fonction sociale la plus noble, celle de maintenir les mathématiques dans la culture exotérique, au service de l’ensemble des humains.

J’ai retrouvé les notes que j’avais écrites en 1995, pour un article que je n’ai jamais publié, car j’ai pris soudain conscience que mon intrusion, dans un domaine auquel j’étais si évidemment étranger, serait jugée par le plus grand nombre prétentieuse, déplacée et ridicule. Jusque là mes interventions s’adressaient à un petit cercle de connaisseurs qui acceptaient mes audaces épistémologiques et didactiques sur des sujets mathématiques que je connaissais.

Pourtant le sujet était important pour les mathématiques et pour sa didactique. Et il n’était pas nécessaire d’être un mathématicien reconnu pour comprendre un phénomène de mon domaine.

En 1994 des physiciens théoriciens A. JAFFE et F. QUINN protestent contre les dérives des mathématiciens qui s’écartent de la traditionnelle présentation de leurs résultats (définition, théorème, preuve), et qui font des « annonces » bien avant d’avoir établi les preuves, qui orientent les recherches par des conjectures hasardées, etc. de sorte que les non spécialistes ne savent plus quelle est la validité des énoncés qui circulent. Ils critiquaient violemment, entre autres, W. Thurston, qui dominait le secteur des variétés en dimension basse et qui annonçait très à l’avance les théorèmes qu’il allait démontrer.  L’utilisation systématique et généralisée des conjectures et des modèles formaient des nappes de brouillard d’où les mathématiques valides avaient parfois du mal à émerger.

Il faut avouer que les mathématiques du 20ième siècle avaient malmené quelque peu les conceptions de Poincaré sur les rapports des Mathématiques avec la Physique, et les objections de Brouwer avaient tenté de résoudre ce problème. Mais les pratiques critiquées étaient consubstantielles aux mathématiques fondées sur la logique classique. Surtout les « errements » qui étaient supportables de la part d’un petit nombre de mathématiciens devenaient proprement inacceptables de la part de milliers d’auteurs. Prenons un exemple simple. Deux conjectures : C1 n’a pas été démontrée et  C2 est franchement douteuse et même choquante ; mais la démonstration rigoureuse que « C1 implique C2 » en fait un théorème et le restera même si on démontre que C1 et C2 sont toutes les deux fausses. Les travaux les plus sérieux produisaient ainsi des grappes de théorèmes suspendus à des conjectures qui a défaut d’être « vraies » devenaient néanmoins célèbres …

En fait à ce moment s’opposent deux conceptions des mathématiques. Celles de A. JAFFE et F. QUINN sont un texte unique, formé uniquement de savoirs de référence, organisés pour permettre la vérification des preuves, et écrit par un auteur unique, LE mathématicien. Mais ce texte ne montre pas l’activité qui produit ce texte.

Thurston, lui, décrit l’activité réelle et inéluctable d’une communauté qui produit « le » texte des mathématiques, et qui ne peut le produire qu’avec ces moyens. Le texte expurgé que réclament ces physiciens, ne peut être qu’une interprétation « didactique » d’une partie de l’activité mathématique. Il est illégitime de vouloir enfermer l’activité mathématique dans ce mythe.

Et ce qui m’intéresse, c’est au contraire d’éprouver les possibilités d’enseigner les mathématiques, en acculturant les élèves aux activités qui les produisent.

GB, août 2011.

Pour lire ou télécharger : Notes-à-propos-de-larticle-de-Thurston-On-Proof-and-Progress-in-mathématics _1_

La Revue Repères propose une traduction française de l’article de Thurston dans son numĂ©ro 21, consultable en ligne par le lien suivant :
http://www.univ-irem.fr/spip.php?article=71&id_numero=21&id_article_reperes=142

Il s’agit d’une collection de notes de lecture personnelles.

A. JAFFE et F. QUINN avaient dénoncé les dérives des pratiques des mathématiciens par rapport aux règles DTP classiques : Définitions, théorème, preuve. Ils arguaient que ces pratiques peu orthodoxes contrariaient la progression des recherches. En 1994, William P. THURSTON leur répond. Il oppose à leur vision classique, mais fausse, de l’activité des mathématiciens une description sincère et réaliste des interactions sociales dont, dit-il, a dépendu son activité de mathématicien. Ce texte m’a paru d’une importance capitale pour faire progresser la didactique et l’épistémologie des mathématiques. Ces notes tentent de dire pourquoi. Une, parmi les importantes remarques de Thurston, signale l’importance des interactions entre les mathématiciens.