L’ostension 2011

Vendredi 13 janvier 2012   

Résumé

Huit Exemples inductifs et introductifs sont suivis d’une Méthode d’étude, qui constitue une modélisation progressive. Sur l’exemple 1 une modélisation propose la structure de base, l’objet de la situation, l’étude de la connaissance transmise et les caractéristique de cette situation et notamment celle des ostensifs qu’elle présente. Les autres exemples permettent successivement d’interroger le processus d’ostension à propos de divers objets mathématiques, logiques ou d’œuvres  d’art.

Mots clés : Modélisation ; ostension; ostensifs; théorie des situations; logique.

Titre de l’article : L’ostension

Auteur et laboratoire à l’époque de la publication : Guy Brousseau ; DAEST Université Bordeaux 2

Langue du texte : Français
Nombre de pages : 10
Nature du texte :
texte scientifique

Commentaire Ce texte est une réponse à une question posée par un étudiant. Il est publié sous la  la rubrique; « Questions et réponses publiques de Guy-Brousseau.com »
Les questions sont le moteur de la recherche. J’ai le plaisir d’en recevoir assez souvent de la part de chercheurs ou d’étudiants. Jusqu’à une date récente, si je croyais pouvoir être utile, je répondais par un courrier personnel. Cette pratique est normale vis à vis d’un chercheur, mais je me suis aperçu qu’avec des étudiants ce comportement pouvait être nuisible avec d’autres étudiants, contrarier gravement le travail d’un enseignant ou pire fausser un concours. J’ai donc décidé de regrouper certaines questions voisines et de publier  mes réponses sur mon site, de façon à les mettre à la disposition de tous; et aussi, je le regrette, en laissant ignorer le nom de ceux qui m’ont fait l’honneur, la confiance et le plaisir de me poser leurs questions.

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J’ai critiqué certains abus de l’ostension dans les classes, je n’ai pas critiqué l’ostension elle-même. En quoi consiste une situation d’ostension ? Il faut construire un ou des modèles de situations de communication. Pour cela nous allons commencer par commenter divers exemples
Exemples inductifs et introductifs
-    Exemple 1.
-    « Le professeur à ses jeunes élèves : « Vous avez chacun devant vous votre boîte de blocs Diénès. Cherchez la pièce que je vous montre et montrez là moi ».

Questions et réponses publiques de Guy-Brousseau.com
Les questions sont le moteur de la recherche. J’ai le plaisir d’en recevoir assez souvent de la part de chercheurs ou d’étudiants. Jusqu’à une date récente, si je croyais pouvoir être utile, je répondais par un courrier personnel. Je me suis aperçu que je ce comportement présentait un inconvénient, celui  de fausser un concours ou de contrarier gravement le travail d’un enseignant. J’ai donc décidé de  regrouper certaines questions voisines et de publier mes réponses sur mon site, de façon à les mettre à la disposition de tous, et aussi, je le regrette, en laissant ignorer le nom de ceux qui m’ont fait l’honneur, la confiance et le plaisir de me poser leurs questions.
1
L’ostension

J’ai critiqué certains abus de l’ostension dans les classes, je n’ai pas critiqué l’ostension elle-même. En quoi consiste une situation d’ostension ? Il faut construire un ou des modèles de situations de communication. Pour cela nous allons commencer par commenter divers exemples
Exemples inductifs et introductifs
-    Exemple 1.
-    « Le professeur à ses jeunes élèves : « Vous avez chacun devant vous votre boîte de blocs Diénès. Cherchez la pièce que je vous montre et montrez là moi ».
-    Exemple 2
Le professeur montre à ses élève un morceau de papier rectangulaire et déclare : Ceci est un rectangle. Montrez-moi d’autres rectangles autour de vous.
-    Exemple 3
Le professeur montre à ses élèves un morceau de papier et déclare : Chaque équipe de deux va réaliser une figure en papier qui se superposera exactement à celle-ci. Vous me posez des questions et je vous réponds. Ceux qui pourront réaliser le projet avec le moins de questions seront félicités et interviewés par les autres.
-    Exemple 4
Le Jeu du portrait, L’un des deux joueurs cherche à faire choisir à son partenaire une image déterminée. Il doit choisir dans une collection de renseignements ou d’images qui lui sont donnés celles  qui lui feront choisir la bonne carte. Il existe une multitude de jeux de ce type. L’art didactique tient dans le choix des deux jeux de cartes.
-    Exemple 5
Le professeur passe à ses élèves « la Danse des seigneurs » du Roméo et Juliette de Prokofiev, sur l’écran du lecteur de la classe. Avec une baguette il montre Juliette au milieu des seigneurs.
-    Exemple 6
Dans le rite Chrétien Catholique de la messe, le prêtre élève l’ostensoir où il a placé l’hostie consacrée et montre « la présence de Dieu », devant lequel les fidèles s’inclinent.
-    Exemple 7
Voici « la Justice et la vengeance poursuivant le Crime » de Proudhon disent les guides du Musée de Saint Omer et du Louvre
-    Exemples 8
a)    Dans un cours de mathématique le professeur dit :
«  le signe «  := ».  Son nom est l’attribution. x := 3  exprime que la variable ou que l’inconnue x va prendre une valeur déterminée, fixe  « 3 ». Le symbole « x := 3 » exprime que dans le contexte, on pourra remplacer x par 3, mais, attention ! pas 3 par x.  Quelles différences présente l’attribution avec l’égalité ?
Elle permet de distinguer l’égalité que vous utilisez couramment  avec le sens  de «  a = b » signifie qu’il existe un objet qui porte indifféremment deux noms, a  et b). Le symbole « x := 3 » exprime que dans le contexte on pourra remplacer x par trois mais pas 3 par x.
Exemple 5.x = 5.3 mais 5.x ≠ x.x car x.x =  x² et x²= 3.3= 9 alors que 5.x = 15
b)    Dans un cours de mathématique le professeur dit « Le quantificateur d’existence :  x (xA) exprime qu’il existe au moins un objet x qui satisfait la propriété d’appartenir à A. Le quantificateur d’unicité  ! exprime qu’il existe exactement un élément satisfaisant la propriété A
Exemple :    (a, b) ! x tel que ax+b = 0  (ce qui se démontre par soit x1 et x2   tels que ax1+b =0 et ax2+b = 0  alors x1=x2

http://www-irem.ujf-grenoble.fr/revues/revue_x/fic/61/61×2.pdf

Méthode d’étude, une modélisation progressive
Dans chacun de ces cas un actant évoque, montre, définit ou exhibe un « objet » ou une personne ou un concept. Peut-on distinguer parmi ces exemples ceux qui satisfont la définition que nous cherchons pour identifier une ostension ?   Ce procédé procède lui-même de l’ostension nous le verrons dans notre commentaire.
Nous allons suivre la méthode exprimée dans la TSDM et construire des modèles de ces exemples en termes de situation.
L’exemple 1, Modélisation
Structure de base.
Deux actants P et E (le professeur et l’élève) disposent chacun d’une collection d’objets distincts, respectivement A et B (les blocs du professeur et ceux de l’élève).  P et E possèdent en outre un répertoire commun d’association entre un élément de A et un élément de B (le « même » type de bloc). L’élève est supposé capable de faire ou d’apprendre à reconnaître que deux blocs sont identiques ou non). La méthode consiste à vérifier que deux blocs diffèrent par au moins un des traits distinctifs qui le déterminent { Formes (4), Tailles (2), Couleurs (3), Epaisseurs (2)} et sinon à montrer la pièce identique à celle montrée par le professeur.
L’épisode : « le professeur montre une pièce », peut être reconnu familièrement comme une ostension. (la confronter avec la définition de Chevallard
Mais ce n’est pas une « situation ». Pour identifier ce geste, suivant la méthode de la TSDM, il faut préciser l’intention qu’il porte et pour cela  le placer dans une situation qui déterminera le paradigme de ses modalités, son enjeu et ses effets possibles ainsi que leur signification. Ce message est doté d’une certaine intention mais c’est la situation qui déterminera son sens. Elle dira à qui s’adresse ce geste, pourquoi ? Quelle réponse dira si le sens perçu est correct ou non. En un mot à quoi jouent le professeur et ses élèves (son milieu).
L’objet de la situation
Les élèves répondent à leur tour par une sorte d’ostension. Tous lèvent un bloc de leur collection que ce soit parce qu’ils ont compris la consigne ou pour imiter leurs voisins. Mais certains au début ne lèvent pas le bon bloc. Dans notre ébauche de situation, ils n’ont aucun moyen de s’en apercevoir… à moins que quelqu’un le leur fasse remarquer. Et si cet observateur se croit obligé de prouver son jugement il attirera l’attention du malheureux sur un des traits qui oppose les deux objets. Après quelques tentatives l’élève connaîtra l’ensemble des traits et des valeurs possibles. Il pourra alors s’assurer le succès en comparant « trait pour trait » les deux objets, en suivant une énumération exhaustive de ces traits.
La situation est une situation d’enseignement et d’apprentissage. Les seuls termes qui ont une raison d’être prononcés et/ou appris sont ceux qui décrivent les traits, mais même si l’usage de la conjonction de ces traits n’est pas expliqué ni même formulé, il est susceptible d’être connu, reconnu et expliqué le moment venu. Nous disons que cette connaissance est implicite. Même dans ce genre de situations, il existe des gradations d’implicites. Entre reconnaître une pomme et ne pas la confondre avec une cerise est un processus dont l’apprentissage est spontané pour les humains, savoir les nommer, et savoir les décrire il y a des nuances. La situation n°1 fait plus que faire distinguer des blocs Diénès, elle prépare les formulations et l’étude d’un ensemble-produit de propriétés qui les fera connaître puis savoir…
Nous avons présenté un épisode d’ostension et une situation d’ostension. Remarquons que l’exigence d’expliquer un épisode d’ostension  par une situation est satisfaite. Il n’est pas besoin d’inclure cette situation dans une autre pour modifier le sens de l’épisode d’ostension initial. La situation qui explique le geste du professeur explique aussi celui de l’élève.
La connaissance « transmise » ou recréée
Un didacticien peut dire que la situation 1 suscite (transmet l’usage de…)  « la connaissance d’un ensemble d’objets structuré comme un ensemble produit d’ensembles de traits », à condition que son interlocuteur n’en profite pas pour comprendre ou feindre de comprendre que l’élève à appris et a compris formellement les mots, leur sens ainsi que le sens de la phrase entre guillemets, avec les environnements habituels de concepts et d’exercices et. Ce genre d’abus a été fréquent à une certaine époque aussi bien pour quelques prosélytes des mathématiques modernes que pour beaucoup de leurs détracteurs.
Cette remarque ouvre un débat sur l’identification de l’objet d’un ostension et sur les compositions d’ostensions.
Les caractéristiques de la situation n°1
Cette situation de communication nous permet de distinguer
-    l’ensemble origine de l’ostension : les blocs du professeur (les sémiologues parleraient de paradigme des signifiants). Il est fini.
-    L’ensemble cible de l’ostension, c’est-à-dire le paradigme des interprétations que les élèves peuvent faire plus ou moins légitimement en réponse (les signifiés). Il est fini
-    L’ensemble des couples  : (bloc du professeur – bloc des élèves) (chaque couple signifiant-signifié détermine un signe) forme une bijection entre les deux ensembles.  ces deux ensembles, la cible et l’origine sont identiques. La correspondance associe les éléments identiques (mais non « égaux » aux sens mathématique).
-    L’identification des éléments aussi bien de l’origine que de la cible  s’effectue grâce à une structuration de l’ensemble origine en produit d’ensembles (de traits) composants et d’une grammaire de la dénomination par juxtaposition des noms des traits.
Autrement dit la situation ne peut pas, en principe, échouer. L’incertitude propre à la situation est nulle. Les seules erreurs proviennent de l’élève (apprentissage ou accident : inattention etc.).
Le concept d’ostensif dans la situation n°1
Nous pouvons identifier plusieurs objets qui pourraient être reconnus comme des ostensifs suivant les critères d’Yves Chevallard.
« 3.2. L’observation de l’activité humaine amène à répondre en établissant une distinction fondamentale entre deux types d’objets : les objets ostensifs, d’une part, les objets nonostensifs, d’autre part.
a)  On appelle ostensifs les objets qui ont pour nous une forme matérielle, sensible, au demeurant quelconque. Un objet matériel (un stylo, un compas, etc.) est un ostensif. Mais il en va de même.
– des gestes : nous parlerons d’ostensifs gestuels ;
– des mots, et, plus généralement, du discours : nous parlerons ici d’ostensifs discursifs (ou langagiers) ;
– des schémas, dessins, graphismes : on parlera en ce cas d’ostensifs graphiques ;
– des écritures et formalismes : nous parlerons alors d’ostensifs scripturaux. »
Le propre des ostensifs, c’est de pouvoir être manipulés, ce mot étant entendu en un sens large : manipulation au sens strict (celle du compas, ou du stylo, par exemple), mais aussi bien par la voix, le regard, etc.
b) Au contraire des ostensifs, les non-ostensifs – soit ce que l’on nomme usuellement notions, concepts, idées, etc. – ne peuvent pas, à strictement parler, être manipulés : ils peuvent seulement être évoqués, à travers la manipulation d’ostensifs associés. Ainsi, pour pouvoir dire que, pour résoudre l’équation 2x = 10 « on prend le logarithme des deux membres », il convient que le non-ostensif qu’est le concept de logarithme existe, mais on ne peut le dire que parce que l’ostensif (langagier) « logarithme » est disponible. Pour réaliser l’action correspondante, en outre, il faudra disposer d’ostensifs scripturaux adéquats.                                             (pages 4-5)

Suivant cette présentation, les blocs Diénès du professeur et aussi ceux des élèves sont des ostensifs mais aussi le bras levé du professeur, les mots qu’il utilise : blocs, pièces, etc. Par contre les traits distinctifs : épais, minces, triangle,… » sont-ils ici des ostensifs ?   Ils ne se manifestent qu’à l’occasion des erreurs. Convenons que oui. Par contre est-ce que la correspondance signifié-signifiant est un ostensif ou pas ? Ce n’est pas évident. Elle est active, elle avérée,  Peut-elle être évoquée sans l’intermédiaire d’un ostensif ?  Mais quel « ostensif » peut être évoqué sans le secours d’un ostensif, ne serait-ce que lui-même ?  Peut-elle être manipulée ?  Acceptons provisoirement que l’indispensable répertoire de signes évidents qui permet aux élèves de résoudre la situation n’est pas un ostensif du système.
Alors il faut admettre que c’est la situation elle-même qui est son ostensif, au sens de Chevallard, qui permet de l’activer, de lui donner un rôle et nous appelons connaissances cette forme d’intervention qui n’est pas susceptible encore de formulation, d’analyse mais qui joue un rôle essentiel dans la situation et dans l’apprentissage en cours. En quoi le fait de n’être pas un ostensif joue un rôle dans la situation sauf qu’elle rend nécessaire sa mise en situation pour prendre un sens ?
En conclusion nous allons admettre cette situation comme un exemple de situation d’ostension.
L’exemple 2
Bernard Sarrazy ayant lu mes mises en garde contre l’abus des ostensions, me demanda « quelles objections fais tu donc à l’ostension ! L’enseignement est par essence une ostension, une mise en scène de concepts par l’intermédiaire de divers moyens.
C’est justement cette réputation d’utilité universelle sans limites qui me gêne. Elle conduit à des abus.
Une ostension défectueuse
La situation de l’exemple 2 semble très proche de celle de l’exemple 1 : Le professeur montre à ses élèves un morceau de papier et déclare : Ceci est un rectangle. Montrez-moi d’autres rectangles autour de vous. Et ce procédé est très employé. « Soyez concrets ! » disaient les méthodologues du début du siècle dernier, donnez des exemples. L’ostension élémentaire du professeur est la même, même geste, même consigne. Mais la base de l’ostension est toute différente : l’ensemble origine est réduit à un seul objet, il tient la fonction d’élément générique supposé représenter l’ensemble des rectangles au moins ceux repérables dans le classe.  L’ensemble cible n’est pas repéré, ce peut être toutes les feuilles de tous les cahiers (ou aucune si les bords sont arrondis). Le sens commun leur ferait exclure les carrés (pour la raison qu’il y a une différence notable, ce qui permettait le succès de l’exemple 1 ci-dessus), les rubans, la figure immatérielle formée par les droites déterminées par quatre points de la pièce (deux coins supérieurs d’un mur et les deux coins inférieur du mur opposé…), etc . La correspondance entre l’ostensif du professeur et celui qui s’offre aux élèves par cette situation ne peut en aucun cas déterminer une ostension correcte.
Or c’est la l’exemple type du plus grand nombre d’usages de ce procédé de présentation d’objets et de concepts.
Le processus d’ostension
La plupart du temps les professeurs ne sont pas dupes de leur procédé et ils le corrigent de diverses façons. La prétendue ostension est en réalité une situation initiale fausse sur laquelle va s’appuyer un processus qui aura pour objet de construire une relation de définition correcte d’un objet qui ne semble pas pouvoir être introduit par une ostension directe à ce niveau.
Beaucoup de prétendues ostensions, exemplifications… ne sont utilisables que dans un tel processus de réduction de l’incertitude initiale propre, et beaucoup sont hélas utilisées sans ce processus, comme simples figures de rhétorique (comparaisons, métaphores, métonymie, métalepses etc. caractérisées ) dont la valeur didactique est faible et peut être négative.  La différence entre une ostension légitime et un simulacre d’ostension réside dans la situation.
Mais la tradition est tenace et montrer un objet comme « exemple » est toujours apprécié.  Mais souvent l’ostension est une source de malentendus.  La pratique de l’’exemple est l’occasion de montrer aussi bien un élément singulier qu’une classe d’objets : par exemple on peut poser un lapin sur une table et représenter ainsi aussi bien un mammifère, qu’un rongeur, qu’un lapin quelconque ou qu’une espèce particulière de lapin, ou que Zozo, « Le » lapin domestique et familier d’un élève.
Les Autres exemples
L’exemple 3 décrit une situation qui peut permettre de réaliser l’ostension mathématique d’une forme. Le processus a été expérimenté et étudié sous une forme voisine qui a conduit les élèves à s’apercevoir que la connaissance de la mesure des longueurs des côtés ne suffisait pas à reproduire un quadrilatère et à rechercher la mesure d’un angle avant de décomposer la figure en triangles. Il y a bien ostension. Est-ce celle du quadrilatère ou celle d’un quadrilatère particulier… La définition d’un concept exige un processus plus complexe  (voir les curriculums produits par le COREM pour enseigner divers concepts mathématiques.
L’exemple 4 est un schéma d’expériences élémentaires qui ont permis d’examiner différents procédés implicites de détermination d’un objet mathématique en générant les situations mathématiques correspondantes. Les procédés de définition des listes, et des éléments, et des procédés de leur identification sont montrés dans « le jeu des trésors » ainsi que la construction d’un code.
Avec l’exemple 5 nous sortons du domaine des mathématiques. Le professeur passe à ses élèves « la Danse des chevaliers » du Roméo et Juliette de Prokofiev, sur l’écran du lecteur de la classe. Avec une baguette il montre Juliette au milieu des seigneurs. Que montre la baguette ? Quelle est l’ostensif l’écran ? La fragile image de Juliette ? Juliette le personnage ? La danseuse Monique Loudières ? La personne privée qui fait le métier de danseuse ?  Lesquels de ces divers ostensifs ne sont pas « manipulables »
L’exemple 6 met en évidence la complexité de l’ostension. Au cours du rite chrétien catholique de la messe, le prêtre élève l’ostensoir où il vient de placer l’hostie consacrée. Mais paradoxalement les fidèles ne doivent pas regarder l’ostensoir, sauf peut-être un très court instant avant la réalisation du mystère, au contraire ils se prosternent désormais pour attester qu’ils sont conscient que Dieu est présent devant eux.
Après la fin de la messe, tant qu’il restera des hosties consacrées dans le tabernacle, une petite lampe rouge restera allumée pour informer les fidèles qu’ils sont en présence de Dieu, et que les évènements qui se déroulent dans l’église doivent être conforme aux rites. Nous avons donc deux ostensions, l’une ostensive, pendant la messe, l’autre discrète et informative. Si une équipe d’ouvriers doit entreprendre des travaux dans l’église, les objets sacrés seront retirés, le lumignon rouge sera éteint, et l’église qui deviendra pour un temps une bâtisse quelconque.
Dans l’enseignement nous avons de la même façon deux types de situations d’ostensions : certaines ostensions sont furtives, purement fonctionnelles comme montrer un objet que l’on veut obtenir ou une direction où il faut aller. Ces ostensions ne sont que des moyens de communication ; elles ne chargées d’aucune intention didactique ; si elles échouent elles doivent immédiatement être corrigées ou complétées par une autre… La signification du geste n’est pas problématique. Au contraire il existe aussi une ostension théâtrale. Elle est accompagnée d’une mise en scène destinée à attirer l’attention sur elle-même, une ostension ostensible, ostentatoire même, en quelque sorte, qui invite ceux à qui elle s’adresse à une réflexion, à un questionnement sur l’objet qui est ainsi introduit. L’attention du destinataire est ainsi attirée sur le fait que le but de l’ostension est problématique ou remarquable.
L’exemple 7 permettrait de discuter les liens de parenté entre la représentation et l’ostension. Ce tableau remplaça pendant un temps le crucifix qui présidait aux audiences de la cours de justice de Paris. Il était chargé d’impressionner les prévenus en leur montrant comment la société se représentait leur condition. En exagérant les traits que la culture prêtait aux coupables et en idéalisant ceux de leurs juges l Nous n’allons pas ici reprendre les débats des iconoclastes avec leurs adversaires, pour ou contre les icones. Les représentations sont aussi importantes par ce qu’elles cachent que par ce qu’elles empruntent à leurs modèles. Ainsi l’algèbre « remplace » les raisonnements de l’arithmétique ancienne par des calculs et des raisonnements tout à fait différents. L’ostension à le mérite et l’inconvénient d’effacer ou de cacher ces conversions de méthodes, de faire croire que les raisonnements « équivalents » sont similaires, que la pensée suit naturellement le cours des actes, que les connaissances reproduisent la structure et les propriétés des savoirs etc. Le texte de Chevallard vient à propos pour renforcer les distinctions entre les divers éléments de ses praxéologies (les techniques montrent les tâches, les technologies montrent les techniques et les théories… Mais ces ostensifs ne montrent pas les ostensions correspondantes : les tâches ne peut pas montrer toutes les actions… ni les « savoirs » toutes les « connaissances ».
Les exemples 8 semblent être de simples « définitions », mais elles se réfèrent à des usages assez spécifiques et plutôt métamathématiques, propices aux ostensions.
Plus généralement une définition est effectivement l’instrument d’une réécriture d’un texte ancien et son remplacement par un mot ou une expression nouvelle plus ramassée. Mais plus qu’une réécriture, un signe simplement sténographique, elle met en lumière, elle donne un statut d’objet à quelque chose qui pouvait être exprimé mais qui ne l’avait peut être pas été, qui pouvait donc ne pas avoir été même remarqué. Par essence une définition est donc une ostension : la désignation d’un objet pour lui faire jouer un rôle nouveau. Ce sont donc des ostensions dont les ostensifs sont construits pour les besoins d’une situation nouvelle.
Symbole    Nom , lecture, Catégorie     Explication    Exemples
∃    quantification existentielle il existe; il ya;
la logique des prédicats
∃ x: P (x) signifie qu’il ya au moins un x tel que P (x) est vraie.     ∃ n ∈ â„•: n est pair.
∃!    la quantification unique
il existe exactement un
la logique des prédicats
∃ ! x: P (x) signifie qu’il ya exactement un x tel que P (x) est vraie.    ∃ ! n ∈ â„•: n + 5 = 2 n.

Définition
est défini comme;
est égale par définition à    x: = y, y =: x ou x ≡ y signifie x est défini comme étant un autre nom pour y, sous certaines hypothèses prises dans leur contexte.

J’ajouterai à la dernière ligne de ce tableau, emprunté à Wikipedia, une ligne consacrée à une acception du signe « := » légèrement différente : « l’attribution »
L’usage traditionnel du signe = est entaché dans de nombreuses conditions de contradictions qui ont dû être levées pour écrire les programmes de traitement informatique des énoncés mathématiques.
Par exemple dans ses usages à l’école primaire l’égalité n’est ni réflexive (3=3 est refusé au motif qu’il n’y a qu’un seul 3 et qu’on le sait bien) ni symétrique (3+4 = 7, exprime une opération effectuée, 7 = 3+4 en exprime une autre (décomposition) qui n’et pas officielle. Et la transitivité est niée  dans l’utilisation du signe = pour exprimer la progression des calculs : 3×4 = 14 +4 = 16… Les confusions s’aggravent dans le secondaire au moment où la grammaire des calculs devient un objet d’études.  Au point que pour exprimer une véritable égalité algébrique telle que (a-b)² = a² -2ab +b² on crée un autre symbole avec le terme inapproprié « d’équivalence ».  L’enseignement des mathématiques se heurte là à un difficile problème de remplacement d’un usage universel et familier contradictoire (avec des conséquences didactiques appréciables) par un raffinement qui alourdirait beaucoup les pratiques didactiques usuelles ou plutôt le discours mathématique que l’on a l’habitude de faire à leur propos, apparemment inutilement. Nous avons montré qu’il était possible et plus facile de définir les concepts mathématiques par leur usage sans avoir sans cesse à décrire leur genèse historique.

Attribution     x := 3,  a := 3
signifie la variable (ou l’inconnue x) ou le paramètre a, se voient attribuer la valeur 3 dans le contexte.
x := a
x se voit attribuer dans ce contexte une valeur fixe arbitraire a     3x -2 = 0  x := 2/3
L’égalité n’est une  vraie que si x se voit attribuer la valeur 2/3

Dans ce domaine des fondements des mathématiques comme de leur enseignement, le besoin de se référer à des exemples, à des images, à des supports ostensifs se fait sentir. Il est à la base d’une chaîne de méta langages pour la logique qui a préoccupé les enseignants de mathématiques et les mathématiciens pendant une bonne partie du 20ième siècle : expressions formelles, représentations naïves des propriétés par des ensembles, des graphes etc.   Tous avaient pour objet de réaliser des ostensions simples de ce dont on voulait parler avec une précision et une iconicité suffisantes. Tous restaient dans la conception naïve d’une définition directe, instantanée et verbale des concepts introduits, c’est-à-dire dans l’ostension simple calquée dans des textes, et au mieux dans des « contextes » eux-mêmes textuels. L’exploration de l’ostension est restée pour beaucoup confinée à un exercice d’analyse de textes non pas sans histoire mais plutôt sans historicité, sans ce qui fait que les situations ne sont pas que des contextes et des tâches par définition convenues.
En conclusion
Les ostensifs peuvent-ils être déterminés de façon intrinsèque, c’est-à-dire sans recourir à l’usage des situations qui les mettent en scène. Certains, certainement comme le montre l’article de Y. Chevallard grâce à une définition qui en fait une sorte d’axiome dans un système centré sur les textes et leur usage, comme source unique de la transposition didactique. Ce mode de détermination ne me semble pas suffire pour l’étude anthropologique ouverte des pratiques qui peuvent illustrer ce concept.
J’ai fais appel à une approche certainement plus complexe et incertaine en recourant (superficiellement dans ce texte très court) aux modèles de situations et aux méthodes d’études qui lui sont attachées.  Cette étude – de même il est vrai que celle de Chevallard – n’est qu’une ébauche. Elle appellerait des commentaires et des travaux que je ne suis plus en mesure ni d’effectuer ni même de diriger. Mais elle s’appuie sur un solide et consistant corpus d’expériences et d’illustrations dont le lecteur voudra bien trouver l’inventaire dans la bibliographie qui suit.
Les deux approches sont évidemment différentes. Elles pourront, j’en suis convaincu, s’articuler facilement, se compléter et mettre à la disposition des chercheurs des outils appropriés à des approches complémentaires des phénomènes liés à l’enseignement des mathématiques. L’intérêt des théories est de faciliter les recherches en délimitant les objets et les moyens du champ, en éliminant certains distracteurs inutiles, et en permettant de poser des questions à la fois intelligibles et susceptibles d’être confrontées à la contingence. Le prix à payer tôt ou tard ce sont les limites et des contradictions, ou encore des divergences avec cette contingence. Et il faut bien alors reprendre la prospective. Bon courage les prospecteurs !