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L’enseignement de l’énumération 1984

Vendredi 3 fĂ©vrier 2012   

Résumé :

Cet article relève quelques difficultés des élèves de l’enseignement supérieur, secondaire et primaire En comparant ces difficultés il met en évidence le rôle qu’y jouent des difficultés de l’énumération de collections et s’interroge sur la difficulté des enseignants à identifier l’origine de ces difficultés. Il prend alors ces observations comme le sujet d’une étude méthodologique : comment une théorie didactique peut elle intervenir en l’absence du concept  mathématique qui serait nécessaire ? Il décrit alors la méthode d’analyse et explicite une situation fondamentale et l’exemplifie par une situation pour des élèves d’école maternelle.

Mots clés : Énumération mathématique ; école maternelle ; situation fondamentale ; contrat didactique ; méthodologie didactique.

Titre de l’article : L’enseignement de l’énumération : étude de deux problèmes pratiques et fondamentaux dans le cadre de la théorie des situations et du contrat didactique.

Auteur et laboratoire à l’époque de la publication : Guy Brousseau ; COREM

Langue du texte : Français
Date de production : 1984

Nombre de pages : 13
Nature du texte :
conférence au Congrès ICME 1984 (Adélaïde).

Diffusion : internationale

Commentaires :

Contrat didactique, contrat mathématique et société

L’étude du contrat didactique ne se limite pas aux engagements des professeurs vis-à-vis des élèves et vice versa. Il faut examiner les rapports des professeurs et du public avec les mathématiciens. Que se passe-t-il lorsque les mathématiciens n’ont pas considéré une composante essentielle d’un savoir mathématique considéré comme essentiel ? La pratique de l’enseignement peut-elle conduire les professeurs à lui trouver un substitut acceptable bien que sans statut culturel ou scientifique ?

L’exemple de l’énumération est typique.

Énumérer des collections, simplement pour les répertorier est une pratique aussi ancienne que les sociétés humaines. Pour compter les objets d’une collection il faut préalablement pouvoir les énumérer. L’énumération est différente du comptage, elle est souvent plus difficile et elle est la principale source des erreurs dans l’attribution d’un nombre à une collection (nombrement). Or ce sujet n’est entré que récemment dans le champ des mathématiques. Né des nécessités du calcul des probabilités, il s’est présenté sous le terme trop particulier de « Combinatoire ». Il s’est développé récemment, entre autre avec l’informatique, dans des problèmes où dénombrement n’est plus le but principal des énumérations.

L’observation montre que les humains ont de grandes difficultés à énumérer des collections dès lors qu’elles s’écartent des conditions standards très restrictives : de petits objets liés que l’on peut égrener, quelques objets fixes bien disposés… Et qu’ils ont inventé de très nombreux procédés pour pallier à cette insuffisance et pour adapter cette activité à des cas particuliers.

Les enseignants n’ont jamais été amenés à s’intéresser directement à la création, ni à l’énumération, ni à la dénomination des collections. Et lorsqu’on a voulu leur proposer de le faire avec le mouvement des « mathématiques modernes », les concepts qui leur auraient été nécessaires portaient avec une telle charge culturelle, supportée par un discours philosophique et mathématique si épais et si peu adapté aux enfants qu’ils n’ont pas reconnu le caractère simple et nécessaire de cette partie de la réforme, que tout le projet s’est écroulé. Aucun contrat d’enseignement à ce propos n’a pu être négocié.

Le contrat didactique n’est pas une collection de conventions indispensables et ridicules entre élèves et professeurs. Il règle de façon discutable mais très profonde et pour l’instant inexplorée les rapports sociaux autour de l’éducation. Il sert d’alibi aux parents et aux gouvernements pour opposer aux professeurs et aux élèves des exigences de résultats illégitimes ou en tout cas infondées. On commence à peine soupçonner la façon dont la Didactique peut aborder ce problème.

Perspectives

Ce texte se prĂ©sente comme un exposĂ© de questions et de mĂ©thodes : il indique diverses formes d’interven­tion de la thĂ©orie des situations dans l’Ă©tude de problèmes pratiques d’enseignement. Les exemples y sont construits en utilisant certaines recher­ches dĂ©jĂ  anciennes ou d’autres qui ne sont pas encore achevĂ©es.

L’auteur repère des difficul­tés d’élèves, des difficultés bien connues, mais que l’enseignement ne résout pas facilement, à différents niveaux et à propos de différentes connaissances mathématiques.

La construction des situations fondamentales associées à ces connaissances, fait apparaître une condition commune, et permet donc de formuler des hypothèses sur les causes des difficultés des élèves.

Ces hypothèses peuvent être étudiées expérimentalement, soit par les méthodes classiques de la psychologie cognitive, soit directement par celles tirées de la théorie des situations elle-même.

Puis l’auteur utilise Ă  nouveau la thĂ©orie des situations, pour produire et Ă©tudier des sĂ©quences d’enseignement, dans le but d’amĂ©liorer l’apprentissage de ces connaissances.

Ces « applications » de la thĂ©orie des situations sont gĂ©nĂ©ralement des sĂ©quences complexes, qui demandent une autre conduite que celle des leçons classiques. De sorte qu’ayant Ă©ventuellement rĂ©solu un problème didactique, on se heurte Ă  la difficultĂ© de communiquer la solution Ă  ceux qui l’utilisent.

Développement et prolongements de ces perspectives (paragraphe ajouté le 5/10/2012)

Ce programme de recherches a été développé par Joël Briand dans sa thèse.

L’ÉNUMÉRATION DANS LE MESURAGE DES COLLECTIONS. UN DYSFONCTIONNEMENT DANS LA TRANSPOSITION DIDACTIQUE.
Briand J. UniversitĂ© Sciences et Technologies – Bordeaux I (14/12/1993), BROUSSEAU Guy (Dir.) [tel-00494623 - version 1]

http://hal.archives-ouvertes.fr/view_by_stamp.php?&halsid=kf4l3tvrr8so2semu59u3d1f43&label=DIDACTIQUE&langue=fr&action_todo=view&id=tel-00494623&version=1

Dans l’enseignement du 20ième siècle, l’Ă©numĂ©ration disparaissait sous l’Ă©tiquĂŞte « Analyse Combinatoire »au service du calcul des probabilitĂ©s. Il s’agissait toujours de compter. Avec l’apparition de l’informatique,  la mise en ordre des informations, leur identification et leur classement  devient une tâche essentielle qui dĂ©borde largement la fonction calcul. Il est rĂ©vĂ©lateur que la dĂ©nomination des machines de traitement de l’information soient nommĂ©es  « computers », calculateurs, aux Etats Unis et « ordinateurs » en France. Le terme anglosaxon exprime l’usage initial de ces machines dĂ©diĂ©es aux calculs scientifiques, le terme fançais dĂ©crit plutĂ´t le principe des machines: la manipulation d’Ă©numĂ©rations d’informations (des piles).

DĂ©tacher l’Ă©numĂ©ration du dĂ©nombrement et du calcul dans l’enseignement de base permettrait d’unifier et de faciliter l’enseignement non seulement du calcul lui mĂŞme mais aussi l’analyse et la rĂ©solution des problèmes Ă©lĂ©mentaires de la vie courante. La dĂ©terminĂ©tion des opĂ©rations Ă  effectuer avec les nombres s’en trouverait facilitĂ©e. L’Ă©tude de cette option didactique est un problème ouvert d’ingĂ©nierie didactique.

Présentation de la conférence

Pour donner un exemple de la façon dont la thĂ©orie des situations peut intervenir dans la solution des problèmes d’enseignement, en respectant le temps qui m’est imparti, j’ai dĂ» choisir un sujet mathĂ©matique plus restreint que ceux sur lesquels nous travaillons en ce moment (la gĂ©omĂ©trie et la numĂ©ration). Cet exposĂ© ne comportera donc pas de rĂ©sultats au sens classique et sera centrĂ© sur les questions que l’on se pose et les mĂ©thodes pour y rĂ©pondre. Il s’agit de l’Ă©numĂ©ration, c’est-Ă -dire de la production effective d’une injection sur une section commençante de N. Cette activitĂ© intervient pendant toute la scolaritĂ© (i.e. de l’Ă©cole maternelle Ă  l’UniversitĂ©) comme moyen de rĂ©soudre certains pro­blèmes de dĂ©nombrements et de combinatoire en diverses occasions. Elle n’est Ă  aucun moment traitĂ©e comme un objet d’enseignement, de sorte qu’elle n’est pas l’occasion d’une intense nĂ©gociation ni d’un contrat didactique complexe. Mais, par contre, elle est l’occasion d’Ă©checs bien difficiles Ă  traiter pour les professeurs qui les attribuent Ă  un manque chez les Ă©lèves du « sens de l’opĂ©ration » ou de l’algorithme Ă  effectuer, ou encore Ă  une difficultĂ© Ă  enseigner « la comprĂ©hension » des concepts mathĂ©matiques.

Le premier problème pratique sera celui-ci : comment amĂ©liorer la comprĂ©hension des algorithmes arithmĂ©tiques ? L’Ă©tude suggèrera comme solution la prĂ©sentation aux Ă©lèves de situations appropriĂ©es et fournira des questions sur les possibilitĂ©s qu’a actuellement le système Ă©ducatif de rĂ©soudre spontanĂ©ment ce genre de problèmes d’enseignement.

Ce qui amènera le second problème pratique, de mĂŞme nature : comment communiquer au maĂ®tre le genre de situations oĂą l’essentiel consiste Ă  faire la dĂ©volution Ă  l’Ă©lève d’un problème ouvert très prĂ©cis, muni de rĂ©troactions complexes, puis de gĂ©rer convenablement les contrats qui en dĂ©coulent. Les obstacles principaux Ă  l’utilisation dans les classes des rĂ©sultats de la thĂ©orie des situations sont la complexitĂ© et la spĂ©cificitĂ© « inacceptables » de l’ingĂ©nierie qu’elle produit Ă  l’intention des professeurs.

La solution proposĂ©e sera de prĂ©senter au professeur une version sur ordinateur (1) de la situation fondamentale, afin de lui permettre Ă  chaque instant l’approche soit comme maĂ®tre, soit comme Ă©lève et ainsi d’en comprendre le fonctionnement.

L’usage de tels programmes peut permettre au maĂ®tre de changer la nature du contrat didactique qu’il gère. Le contrat classique le conduit Ă  intervenir Ă  tout moment sans ĂŞtre sĂ»r de ne pas vider de sens le problème posĂ© en retirant Ă  l’Ă©lève ce qui doit rester de sa responsabilitĂ©.

Après une brève justification de la mĂ©thode utilisĂ©e et des questions posĂ©es Ă  l’expĂ©rience et Ă  l’observation, la prĂ©sentation d’une version simplifiĂ©e de la situation fondamentale de l’Ă©numĂ©ration permettra d’en montrer les variables didactiques. Puisse cette approche permettre de discuter la possibi­litĂ© que donne cette mĂ©thode de soumettre la thĂ©orie Ă  la falsifi­cation, et la capacitĂ© de cette dernière Ă  fournir des concepts pertinents pour l’analyse et l’amĂ©lioration de l’enseignement des mathĂ©matiques.

(1) A nous les nombres  Logiciels    Brousseau G., Briand J., Gairin-Calvo S., Oyallon J.L., Tressol B.  Coédition CAMIF-EDITIONS PROFIL, 1989 : un ensemble de 6 logiciels, produit par l’IREM de Bordeaux, expérimenté durant deux ans,  utilisable de la Grande section de maternelle au Cours élémentaire première année, en vue de la construction du nombre et de l’addition (situations d’énumération, de dénombrement, d’écriture numérique et de structuration d’ensembles).

Laboratoire actuel : DAESL ; Laboratoire Cultures, Education, Sociétés (LACES) Université Bordeaux 2.

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