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La théorie des situations didactiques Le cours de Montréal 1997

Vendredi 3 juin 2011   

Résumé détaillé    Partie A- La modélisation des situations à usage didactique

Il sagit de rassembler un certain nombre de concepts introduits depuis quelques années déjà, et de les organiser de façon à les faire apparaßtre comme des éléments dune théorie.

La mĂ©thode dexposition choisie est assez lente car elle fait dĂ©pendre l’introduction de chaque concept nouveau de trois problĂ©matiques distinctes.

La premiĂšre problĂ©matique est celle de la pertinence. Il s’agit d’abord de dĂ©crire un certain type de relations humaines de façon Ă  faire apparaĂźtre les concepts de didacti­que comme des moyens utiles Ă  cette description. Les nouveaux exemples que la communautĂ© des didacticiens accumule depuis dix ans ont permis de montrer » des phĂ©nomĂšnes de didactique ; le vieillissement, les effets du contrat…, mais ces « observations » apparaĂźtraient comme, soit excessivement banales, soit tout Ă  fait Ă©tranges et singuliĂšres, si elles nĂ©taient pas articulĂ©es les unes par rapport aux autres jusquĂ  donner une vĂ©ritable mĂ©thode d’analyse de tout phĂ©nomĂšne denseignement.

Cette lecture relĂšve dune deuxiĂšme problĂ©matique, celle de lexhausti­vitĂ©. Il s’agit de faire en sorte que tous les phĂ©nomĂšnes pertinents puissent ĂȘtre pris en considĂ©ration.

La troisiĂšme problĂ©matique est celle de la consistance ; cest peut-ĂȘtre la plus nouvelle car, si les professeurs, dans lexercice de leur profession, utilisent des concepts pertinents qui tendent Ă  permettre de traiter tous les cas, ils n’assurent pas — ils n’ont pas Ă  assurer — la charge de consistance de ces concepts.

Le chapitre 1 a esquissĂ© les objets des Ă©tudes de Didactique : la description et l’explication des activitĂ©s liĂ©es Ă  la communication des savoirs et les transformations, intentionnelles ou non, des protagonistes de cette communica­tion, ainsi que les transformations du savoir lui-mĂȘme.

Le chapitre 2 examine quelques phĂ©nomĂšnes liĂ©s Ă  lactivitĂ© denseignement (effet « Topaze » ., effet  » Jourdain »., glissement mĂ©tadidactique, usage abusif, de lanalogie, vieillissement des situations). Ce sont les phĂ©nomĂšnes qui se produisent lors de l’activitĂ© denseignement qui dĂ©terminent le champ Ă  thĂ©oriser et non lactivitĂ© elle-mĂȘme.

Le chapitre 3 Ă©tudie alors comment regrouper et hiĂ©rarchiser la multitude des conditions Ă  Ă©tudier. Il s’agit d’abord de simplifier suffisamment les pre­miĂšres approches pour, dune part, isoler certaines catĂ©gories de faits explica­bles ensemble de façon Ă  peu prĂšs indĂ©pendante et dautre part, permettre la mise en Ă©vidence des interactions essentielles et les processus.

Ce texte opĂšre un renversement par rapport Ă  la tendance classique qui consiste Ă  Ă©tudier indĂ©pendamment les sous-systĂšmes du systĂšme didactique : lenseignĂ©, lenseignant, le milieu, relativement Ă  un savoir, puis Ă  tenter de dĂ©river de ces Ă©tudes des comportements Ă©ducatifs ou d’apprentissage.

Dans le chapitre 3, cest le systĂšme entier qui est pris demblĂ©e comme objet dĂ©tude et le dĂ©coupage se fait en hyposystĂšmes que nous appelons « situations ». Cette Ă©tude permet la mise en lumiĂšre, dans le chapitre 4, d’un certain nombre de paradoxes qui constituent, en fait, les pierres de tou­che de toute thĂ©orisation des phĂ©nomĂšnes didactiques. Ces paradoxes condamnent lenseignement Ă  ĂȘtre un processus, une didactique et non pas seu­lement une interaction de systĂšmes.

A ce moment, il apparaĂźt deux voies d’Ă©tudes : celles des contraintes exter­nes qui pĂšsent sur ces processus, celles des contraintes internes. Le chapitre 5 s’engage dans lĂ©tude des contraintes internes : il s’agit de modĂ©liser par des jeux formels ces rapports locaux qui sĂ©tablissent entre les protagonistes, puis dutiliser ces modĂ©lisations pour une approche systĂ©mique dans laquelle les chaĂźnes dĂ©vĂ©nements nĂ©cessaires sont confrontĂ©es aux chaĂźnes dĂ©vĂ©nements observĂ©s.

Bien que probablement la plus discutable, cette voie nous a paru la plus utile actuellement dans la perspective dune production effective dingénierie et de méthodes dobservation.

Le chapitre .6 présente alors les éléments fondamentaux de létude des situations : les types de situations a-didactiques (action, formulation, valida­tion).

Partie B- La théorie des situations didactiques

Il s’agit d’une tentative de modĂ©lisation de l’enseignement. Les obligations rĂ©ciproques et les ressources des protagonistes de l’enseignement peuvent ĂȘtre conçues comme obĂ©issant Ă  une sorte de contrat. La croyance en l’effectivitĂ© des engagements dĂ©terminĂ©s par ces « contrats » est indispensable pour le dĂ©roulement de l’action d’enseigner. Ce chapitre prĂ©sente donc trois Ă©tudes :

La premiĂšre Ă©tude est celle des contrats, logiquement dĂ©duits de la rĂ©partition des responsabilitĂ©s et de l’organisation des enseignements qui en dĂ©coulent. Elle fournit une classification des observations empiriques des relations didactiques. Elles sont rĂ©pertoriĂ©es dans le paragraphe 2 (Les diffusions de connaissance sans intention didactique : Le contrat d’Ă©mission, Le contrat de communication, le contrat d’expertise, le contrat de production.) et dans le paragraphe 3 (Les contrats faiblement didactiques, portant sur un savoir ‘nouveau’ pour l’élĂšve : Le contrat d’information – Dialectique vs dogmatique-, l’organisation « axiomatique »  de l’information et ses consĂ©quences, le contrat d’utilisation des connaissances, le contrat d’initiation ou de contrĂŽle, le contrat d’instruction ou de direction d’études).

La deuxiĂšme Ă©tude est une Ă©tude thĂ©orique du contrat didactique. AprĂšs avoir distinguĂ© les contrats d’enseignement et le  contrat didactique, le texte relĂšve quelques uns des paradoxes du contrat didactique et il conclut Ă  l’insuffisance inĂ©luctable de tous les contrats Ă  rĂ©pondre  Ă  tous les Ă©checs. Le contrat didactique est une illusion, mais une illusion nĂ©cessaire.

La troisiĂšme Ă©tude est une approche expĂ©rimentale de l’étude thĂ©orique prĂ©cĂ©dente. L’existence d’un contrat implicite est montrĂ©e par l’expĂ©rience dite de L’ñge du capitaine : Le contrat didactique « impose » Ă  l’élĂšve des rĂ©ponses auxquelles il ne croit pas.

Quelles sont les consĂ©quences de la mĂ©prise gĂ©nĂ©rale sur la possibilitĂ© d’un contrat didactique vĂ©ritable ? Il faut substituer aux modĂšles « rationnels » Ă©tudiĂ©s dans la premiĂšre Ă©tude une modĂ©lisation basĂ©e sur l’observation des pratiques des professeurs. Que se passe-t-il quand un Ă©chec est constaté ? Le contrat didactique exige que le professeur maintienne autant que possible la relation didactique pour tenter d’amĂ©liorer la situation.  Les procĂ©dĂ©s recensĂ©s sont nombreux (L’effet Topaze et le contrĂŽle de l’incertitude, l’effet “ Jourdain ” ou le malentendu fondamental, les glissements “ mĂ©ta cognitif ” et “ mĂ©ta didactique et la permĂ©abilitĂ© didactique, l‘usage abusif de l’analogie, le vieillissement des situations d’enseignement, l’émiettement des savoirs, l’individualisation). Ils forment un systĂšme exhaustif de dĂ©cisions dont aucune n’est universellement, ni adĂ©quate ni inappropriĂ©e.

Partie C- Les situations didactiques : composantes et stratégies

Cette partie analyse les composantes essentielles du contrat didactique, et la conduite par le professeur des leçons et des situations qui les composent.

1. La premiĂšre composante est la dĂ©volution. C’est l’acte par lequel le professeur se dĂ©fait de sa responsabilitĂ© « cognitive » dans l’évolution de la situation et conduit l’élĂšve Ă  l’accepter, dans des conditions oĂč pourtant il ignore encore ce qu’il convient de faire. Cette dĂ©volution ne va pas de soi, comme le montre l’exemple d’une ingĂ©nierie de dĂ©volution pour la recherche du terme inconnu d’une somme avec des Ă©lĂšves de 7 ou 8 ans. La dĂ©volution est un acte didactique et non pas uniquement psychologique ou mĂȘme pĂ©dagogique, en ce sens qu’elle dĂ©pend des connaissances en jeu.

2. L’autre composante est l’institutionnalisation, l’acte par lequel le professeur (lui seul peut le faire) transforme des connaissances assez bien acquises et suffisamment partagĂ©es dans l’ensemble des Ă©lĂšves en des rĂ©fĂ©rences convenues et reconnues (des « savoirs ». L’apprentissage formel classique pourrait n’ĂȘtre que le complĂ©ment d’une activitĂ© gĂ©nĂ©rale d’acculturation collective des Ă©lĂšves qui, si elle a du succĂšs, soulage d’autant leurs efforts et deux de leurs professeurs.

3. L’étude des stratĂ©gies « fortement didactiques » portant sur un savoir ‘nouveau’ reprend le schĂ©ma d’analyse initial  (Le contrat d’imitation ou  de reproduction formelle, le contrat d’ostension, le contrat de conditionnement, la maĂŻeutique socratique, les contrats d’apprentissages empiristes, les contrats constructivistes.

4. Ce paragraphe pointe la nĂ©cessitĂ© d’une Ă©tude (en cours) de la transformation des savoirs ‘anciens’ et met en Ă©vidence les effets d’une « mĂ©moire didactique » et d’un « temps didactique » comme Ă©lĂ©ments essentiels du dĂ©roulement des suites de situations. Le compte rendu de ces recherches figurera sans doute dans une synthĂšse future des travaux sur les curriculums, absente de ce cours.

5. Les effets des rĂ©formes Ă  long terme. Ce paragraphe est aussi une premiĂšre incursion dans un autre domaine de la didactique en dĂ©veloppement rapide : l’étude des phĂ©nomĂšnes relatifs Ă  la diffusion d’une connaissance prĂ©cise qui implique les grands secteurs des sociĂ©tĂ©s. L’individualisation de l’enseignement est une des consĂ©quences nĂ©gatives d’un ensemble d’erreurs scientifiques en matiĂšre d’éducation et de psychologie cognitive. La croyance en l’effectivitĂ© d’un  contrat didactique, en la validitĂ© des thĂ©ories classiques de l’apprentissage individuel dans les relations didactiques et l’importation d’un modĂšle commercial de management (objectifs, Ă©valuations de masse, sanctions) ont une influence trĂšs nĂ©gatives sur l’enseignement.

Mots clés : Didactique des mathématiques, théorie des situations, fondements

Titre de l’article : La thĂ©orie des situations didactiques

Auteurs et titres ou laboratoire Ă  l’époque de la publication :

Guy Brousseau ; LADIST Université Bordeaux 1

Langue du texte : Français
Date de production : 1997

Nombre de pages : 56
Nature du texte :
conférence

Diffusion : internationale

Publication : texte original non publié
Laboratoire actuel:
DAESL ; Laboratoire Cultures, Education, Sociétés (LACES)

Université Bordeaux 2.
Référence HAL

Commentaires :

1. Historique

Ce texte est celui d’un cours prĂ©sentĂ© Ă  l’UniversitĂ© de MontrĂ©al en 1997, lors de la collation du doctorat Honoris Causa de son auteur.

Le cƓur de la thĂ©orie des situations didactiques en mathĂ©matiques annoncĂ©e par Guy Brousseau en 1970 est l’objet d’un chapitre de sa thĂšse (1986) Ce texte est repris avec de lĂ©gĂšres modifications successives dans l’article de 1986 [BROUSSEAU G. (1986). « Fondements et mĂ©thodes de la didactique des mathĂ©matiques »,  Recherches en didactique des MathĂ©matiques, vol 7.2 pp 33-115. La pensĂ©e sauvage. Grenoble[1]], dans ans l’ouvrage en Anglais organisĂ© par Nicolas Balacheff, Martin Cooper, Rosamund Sutherland et Virginia Warfield, [Guy Brousseau (1997), theory of didactical situations in mathematics, Kluwer. Et dans la version française du prĂ©cĂ©dent : Guy Brousseau (1998), « La thĂ©ories des situations didactiques », La pensĂ©e sauvage.

Il est remanié et augmenté dans le cours de Sao Paolo (2009 non publié), puis dans le cours 2010-11 en cours de présentation sur ce sur le site guy-brouseau.com

2. Composition

Ce cours Montréal 97 est composé de trois grandes parties

La premiĂšre partie traite de la modĂ©lisation des « situations Ă  usage didactique », en fait aujourd’hui l’auteur  parle de « situations mathĂ©matiques isolĂ©es ». La deuxiĂšme partie s’intitule « La thĂ©orie des situations didactiques en mathĂ©matiques ». La troisiĂšme partie « Les situations didactiques : composantes et stratĂ©gies ».

3. perspectives pour le cours 2010

Ce cours (confĂ©rence de 1997) reste une rĂ©fĂ©rence trĂšs importante et rĂ©pandue, qui peut ĂȘtre utile Ă  la lecture du cours 2010

On y trouve en particulier pour la premiÚre fois, un inventaire des contrats réels illustrant la théorie du contrat didactique.

Cependant n’y sont pas Ă©voquĂ©s : par exemple la conduite des situations, des leçons, et des curriculums par le professeur, les modalitĂ©s de l’évaluation des leçons et des curriculums, la dĂ©pendance (formelle, mathĂ©matique, poĂŻĂ©tique
), entre les apprentissages et entre les situations 


Toutefois ce cours 1997 n’évoque aucun des grands travaux d’ingĂ©nierie sur les principaux concepts mathĂ©matiques de la scolaritĂ© commune (les diffĂ©rents types de Nombres, la Logique le formalisme et l’épistĂ©mologie scolaires, la GĂ©omĂ©trie, la Statistique et les ProbabilitĂ©s
) produits entre 1970 et 1990, qui ont accompagnĂ© ces travaux.

Il dĂ©laisse les observations mĂ©thodologiques (sur l’enseignement des mathĂ©matiques, sur la recherche associĂ©e aux thĂ©ories des situations
) et notamment les apports du COREM Ă  l’observation des pratiques de classes).

Il dĂ©laisse l’étude des rĂšgles Ă©thiques, celle de l’enseignement de celles, distinctes, de la recherche etc.

Il ignore la mĂ©thodologie de la recherche : l’organisation et la pratique des observations et des expĂ©riences, les mĂ©thodes d’analyse
  lacunes que le cours de 2010-11 tentera de combler

De nombreux chercheurs ont nourri et sont venus enrichir le noyau prĂ©sentĂ© ici. Leurs apports devront ĂȘtre joints ou rĂ©fĂ©rencĂ©s. L’organisation gĂ©nĂ©rale ne s’est guĂšre modifiĂ©e mais des dĂ©nominations plus claires se sont rĂ©vĂ©lĂ©es plus adĂ©quates pour distinguer les thĂ©ories des situations qui relĂšvent de modĂšles et d’objets par trop distincts : La thĂ©orie des situations a-didactiques objet de la premiĂšre partie de ce cours est devenue la « thĂ©orie des situations mathĂ©matiques », distincte de la « thĂ©orie des situations didactiques en mathĂ©matiques  ». L’étude du fonctionnement des systĂšmes sociaux et culturels de diffusion des connaissances mathĂ©matiques est devenue la macrodidactique qui s’ouvre aux questions de sociĂ©tĂ© et d’anthropologie.

Nota Bene

Les relations de ces travaux avec les nombreux autres issus de l’école française (notamment avec ceux d’Y. Chevallard), ou d’autres Ă©coles devraient ĂȘtre enfin Ă©tablis bientĂŽt : le Cours (2010-11) devrait combler une partie (faible hĂ©las je le crains) de ces lacunes.

Pour lire ou enregistrer le fichier   TSDM Le cours de MONTREAL 1997


[1] Ce texte est aussi le chapitre 3 de la ThĂšse d’état de BROUSSEAU G. (1986), ThĂ©orisation des phĂ©nomĂšnes d’Enseignement des MathĂ©matiques Directeur : B. Malgrange ; UniversitĂ© Bordeaux 1,